Avant d’aller plus loin, commençons par un petit point sémantique sur des termes qui peuvent être utilisés dans ces pages. Restauration écologique, restauration des écosystèmes, renaturation, (re-)végétalisation... Ces termes pullulent et il est parfois difficile de s’y retrouver.
Nous utilisons ici le terme de végétalisation pour souligner l’action de végétaliser, sachant que l’objectif consiste ici à améliorer le choix et l’origine des végétaux.
Cette parenthèse sémantique faite, pourquoi et comment végétaliser ? Quelles espèces utiliser, pour répondre à quel objectif ? Sous quelle forme se procurer les végétaux (semences, godets, racines nues...) ? Quelle préparation du sol, quand planter/semer ? Si vous êtes convaincu par le bienfondé d’un recours à des espèces végétales sauvages et locales pour la restauration de la biodiversité, nombreuses sont alors les questions à se poser lorsqu’on s’apprête à recourir à des végétaux dans un projet de restauration écologique, dès la conception. Ces pages web visent à y répondre tout en vous rappelant les grandes étapes clés. Vous êtes prêt ? Alors suivez le guide...
Plusieurs étapes sont nécessaires pour concevoir un projet de restauration écologique impliquant une végétalisation. Une analyse approfondie du contexte et des objectifs permet de guider le choix des techniques les plus adaptées. Tout projet implique également de définir en amont l’approche restaurative et d’évaluer le besoin d’avoir recours à des végétaux ou de laisser la végétation pousser spontanément, de bien préparer le sol et de planifier l’entretien ou la gestion, et enfin, de définir la liste d’espèces, si toutefois le recours à des plantations ou à un ensemencement a été retenu.
Pour vous aider à situer et définir les contours de votre projet, voici une classification de projets par catégorie d’usages et d’objectifs associés (non exhaustifs). Plusieurs objectifs peuvent correspondre à votre projet, essayons alors, d’abord, de les identifier clairement.
Dans un contexte naturel, suite à une dégradation, il peut être nécessaire d’initier ou d’accélérer l’autoréparation d’un habitat naturel en respectant sa santé, son intégrité et sa gestion durable.
Objectifs recherchés
Ramener l'écosystème à l’état dans lequel il aurait été si la dégradation ne s'était pas produite, en prenant en compte les changements anticipés. Restaurer les fonctionnalités écologiques associées à l’habitat, améliorer la qualité du sol et des eaux, freiner la propagation des espèces exotiques envahissantes, restaurer les connectivités écologiques...
Exemples :
Restauration d’une ripisylve, restauration d’une pelouse sèche, restauration d’une forêt.
Dans un contexte agricole ou forestier avec un objectif de production, il est possible et parfois nécessaire de trouver des solutions de couvert végétal, herbacé ou ligneux.
Objectifs recherchés
Améliorer la qualité des sols, limiter l’érosion, accueillir la biodiversité et les auxiliaires de culture, gérer de manière globale une agriculture multifonctionnelle et durable, optimiser la production et minimiser les intrants, créer/renforcer des corridors écologiques...
Exemples :
Enherbement permanent, bandes fleuries favorables aux auxiliaires de culture, création ou restauration de haies champêtres.
Que ce soit dans un village, une ville ou autre espace artificialisé, il est possible de reconstruire des écosystèmes ou de retrouver certaines fonctionnalités écologiques à travers l’aménagement de certains espaces.
Objectifs recherchés
Améliorer la qualité des sols, limiter l’érosion, limiter l’installation d’espèces exotiques envahissantes, désimperméabiliser, améliorer l’accueil de la biodiversité, créer/renforcer des corridors écologiques, créer des îlots de fraîcheur, embellir le cadre de vie, favoriser l’intégration paysagère...
Exemples :
Mélange fleuri favorable aux pollinisateurs, massif paysager, végétalisation de voiries.
L’étude du contexte écologique du site vous permettra d’appliquer les bons choix par la suite, que ce soit pour l’approche restaurative, le mode de végétalisation ou les espèces à implanter. Il est utile de connaître les caractéristiques de votre sol et du climat (sans pour autant avoir nécessairement recours à une analyse en laboratoire, une visite attentive de votre site peut suffire). De même, des éléments de contexte sont nécessaires pour connaître les connectivités éventuelles ou anticiper tout élément qui pourrait impacter le milieu.
Voici une proposition d’éléments à étudier :
Pour les trois grands types de projets (aménagements paysagers écologiques, agroécologie ou restauration écologiques), il est nécessaire d’évaluer le potentiel de recolonisation naturelle (régénération spontanée) des espaces concernés par le projet de restauration (approche passive) ou s’il est nécessaire d’avoir recours à des plantations ou semis (approche active).
Les éléments présentés ci-contre peuvent vous aider à distinguer ces deux options :
Si vous optez pour une approche passive : la suite des étapes ne s’applique pas. Cependant un travail du sol et un entretien ou une gestion particulière peuvent s’avérer nécessaire (voir étape 5).
Si l’approche active est retenue : la suite des étapes s’applique au projet.
Pour répondre à un projet végétalisation, il est possible d’avoir recours à des plantations ou à des semis. On peut aussi combiner les deux et intégrer la végétation spontanée. Pour les végétaux herbacées, les semences ont tendance à mieux s’installer et de manière durable, mais il peut être parfois judicieux d’avoir recours à des plantations de végétaux en godets pour un résultat plus rapide (dans le cas des aménagements de lieux publics, en zone pentue, etc.), pour regarnir un massif/prairie existante ou pour mieux cibler les espèces souhaitées.
Pour les arbres et arbustes, la plantation de godet/conteneur ou d’arbres en racines nues est la méthode la plus pratiquée et donne de bons résultats en contexte de haies champêtres. Le semis direct de graines d’arbres peut cependant être utilisé dans un contexte de restauration écologique de forêts.
Concernant les semis herbacés, il est possible de choisir entre un mélange de semences commerciales ou l’épandage d’un foin ou d’un mélange récolté localement. Le mélange de semences fourragères commerciales n’est pas compatible avec la marque Végétal local car il contient de nombreuses espèces sélectionnées (des espèces à certification obligatoire).
Cependant, il existe des mélanges 100% Végétal local qui ont été collectés directement en mélange dans une prairie naturelle et ont fait l’objet d’une démarche spécifique de commercialisation. Il existe aussi des mélanges 100% Végétal local ne comprenant aucune espèce fourragère à certification obligatoire et composés alors d’espèces sauvages et locales issues de différents types de milieux naturels (plus d’infos sur la règlementation des mélanges herbacés ici).
La transfert de foin vert ou de foin sec, la récolte de graines en mélange (à la brosseuse ou à la moissonneuse) sont des techniques qui ont fait leurs preuves, et montrent des résultats très satisfaisants. Ces graines peuvent soit être achetées auprès des bénéficiaires de la marque Végétal local (comme décrit précédemment), soit récoltées par des agriculteurs ou gestionnaires d’espaces naturels : voir les expériences conduites par les
CBNMC et CBNA.
Pour la technique de semis d’herbacées, le tableau suivant permet de comparer les techniques de récoltes en mélange entre-elles (en milieu montagnard) :
Zones peu pentues, prairies de fauche et pelouses riches en graines
Zones peu pentues, prairies maigres de fauche et pelouses riches en épis de graminées
Zones planes et très peu pentues, prairies de fauche étendues et facilement accessibles.
* informations issues du guide « restauration écologique de prairies et de pelouses pyrénéennes »
Que le projet concerne une restauration d’habitat, un projet agricole ou un aménagement paysager, la préparation du sol en amont est nécessaire pour limiter les adventices et favoriser les espèces semées/plantées ou les espèces spontanées visées par l’opération de restauration.
Semis plantes herbacées | Plantation vivaces herbacées | Plantation ligneux |
---|---|---|
Préparation du sol Sol nu, ameublir, « appauvrir » la terre si nécessaire (faux-semis) | Préparation du sol Sol nu, ameublir, « appauvrir » la terre si nécessaire (faux-semis, décapage de la première couche du sol, apport d’un mélange minéral…), paillage optionnel (peu épais) | Préparation du sol Sol nu, ameublir, apport de compost, pailler |
Période optimale Fin août à début octobre (et février-mars - avril sous réserve de la météo) | Période optimale Octobre à mars (avril) | Période optimale Fin novembre à mars |
Technique
Petite surface : semis à la volée, mélangé à du son ou du sable, ou semis à l’aide d’un épandeur à engrais. Grande surface : hydroseeder avec mulch cellulosique + fixateur + amendement (adapté pour les pentes > 60%) |
Technique Plantation manuelle, au transplantoir | Technique Plantation manuelle ou mécanique |
Densité
En fonction du poids des semences : 12 à 200 kg/ha (1,2 à 20 g/m²) Indication pour mélange de type prairie mésophile : Pente > 60% + déblais : 100 à 120 kg/ha Remblais faible pente : 50 kg/ha |
Densité 5 à 10 plants par m² |
Densité
De 1 plant par m² (haie champêtre avec arbustes bas) À 1 plant tous les 8 m² ou plus (en fonction de la taille des arbres adultes) |
Entretien / gestion
Rouler le semis. Prévoir une fauche retardée (juillet) avec export |
Entretien / gestion
Prévoir un désherbage manuel dirigé. Éventuellement, semer des annuelles pour améliorer le couvert la première année |
Entretien / gestion Paillage, protection contre le gibier |
À ce stade, une première budgétisation et une évaluation du temps de travail pour la mise en œuvre et la gestion du projet peut être faite. En fonction de ce que vous avez choisi, il faudra peut-être revenir en arrière (étape 3) pour recalibrer le projet à la dimension des moyens matériels et humains dont vous disposez !
Le choix des espèces s’effectue en fonction des conditions écologiques du site à végétaliser. L’analyse des conditions écologiques du site en amont du projet est donc nécessaire pour choisir les espèces les plus appropriées au contexte (ensoleillement, pH, humidité, type de sol, altitude… voir étape 2) et aux objectifs fixés (étape 1).
Les palettes proposées ici par le CBN peuvent être affinées selon les conditions écologiques du site à végétaliser. Les plus importantes à retenir sont : le pH (acide, neutre ou basique), l’altitude (se référer au schéma ci-dessous pour vous situer) l’exposition et le gradient d’humidité du sol. Il existe quelques exceptions pour des espèces qui peuvent être utilisées en contexte d’aménagements paysagers et qui s’adaptent bien en dehors des conditions écologiques de leur milieu naturel.
Sur les pages web dédiées, le choix de la palette s’effectue d’abord selon l’objectif recherché. Par exemple, pour un aménagement paysager avec un objectif d’embellissement, d’accueil de la biodiversité, etc. on peut choisir la palette 5 (mélange fleuri) conçu pour des semis, ou la palette 6 (massif vivaces) conçue pour des plantations. Pour les semis, on peut faire varier la composition d’annuelles et de vivaces pour avoir un échelonnage des semis et un bon couvert dès la première année.
Une fois la palette chargée, il vous est ensuite possible de filtrer les conditions écologiques des espèces de cette liste à l’aide des filtres proposés en tête de colonnes du tableau (lumière, température, pH...).
Rendez-vous sur les pages consacrées aux palettes pour télécharger les listes et les infos associées à chaque palette.
Accéder aux palettes végétalesPour aller plus loin : Comment organiser son projet, anticiper les commandes, inscrire la marque Végétal local dans un marché public ? Vous trouverez toutes les réponses dans le guide prescription.
Évaluer la réussite d’un projet de restauration écologique est crucial, cette étape permet de s’assurer que les objectifs initialement fixés sont atteints. Il existe plusieurs protocoles pour assurer un suivi des sites restaurés qui sont corrélés aux objectifs initialement fixés et au contexte (restauration d’habitat, agroécologie, aménagement paysager). Ces suivis peuvent être plus ou moins complexes et sont très variables.
Dans le cadre d’un projet à l’échelle nationale concernant les suivis de restauration de milieux ouverts herbacés, les Conservatoires Botaniques Nationaux, des associations naturalistes et des scientifiques spécialistes ont travaillé sur une boîte à outils présentant un ensemble d’indicateurs de suivi standardisés à l’échelle nationale.
Elle vise à fournir des outils mobilisables sur le terrain par tous les acteurs selon leurs buts de restauration, compétences, moyens techniques, financiers et humains, et le temps dont ils disposent, quel que soit le relief et l’aire biogéographique.
Ce travail est encore à peaufiner et nous avons besoin de vos retours d’expérience !