Établies sur des surfaces restreintes, les végétations subalpines hébergent des espèces rares, dont plusieurs espèces artico-alpines toujours présentes depuis la dernière glaciation et nécessitant de longues périodes d'enneigement et des températures basses pour se maintenir.
Les derniers rapports du GIEC ont montré l'accélération et l'inéluctabilité du dérèglement climatique à venir. Outre la hausse des températures moyennes en montagne, celui-ci se traduit dans le Massif central par une sécheresse printanière et estivale accrue du fait de l'augmentation de l'évapotranspiration, ainsi qu'au travers d'une hausse des phénomènes météorologiques rares, une modification de la répartition des précipitations dans l'année, une diminution du nombre de jours de gel et une fonte des neiges de plus en plus précoce.
Le Sancy, par exemple, n'échappe pas à l'augmentation des températures ces dernières années malgré sa fraîcheur apparente. La station météorologique du Mont-Dore a ainsi enregistré une hausse importante de la température de 0,3 °C par décennie entre 1951 et 2019, avec une légère accélération ces dernières années de 0,4 °C par décennie. À titre de comparaison, cette augmentation correspond à une remontée des températures de 220 m en altitude entre la période 1951/1980 et 1991/2019 ! De même, il a été constaté une baisse de 11 jours de la durée d'enneigement sur cette même station entre 1961 et 2019 et une baisse de 10 cm sur la hauteur de neige (SERRE F. 2015).
Cette augmentation correspond à une remontée des températures de 220 m en altitude
Cette évolution climatique tend à favoriser la transpiration des plantes qui nécessitent des précipitations plus importantes pour survivre, hélas de moins en moins abondantes. Si les espèces ne peuvent s'adapter physiologiquement ou se déplacer, elles sont alors remplacées par des espèces plus thermophiles et moins chionophiles (GOTTFRIED et al. 2012). Dans le massif du Sancy, c'est le cas de la Soldanelle des Alpes (Soldanella alpina) dont les conditions stationnelles, à l'étage subalpin, se modifient significativement. Sur les combes à neige occupées par l'espèce, on voit progressivement apparaître des espèces communes, habituellement situées plus bas en altitude, qui entrent ainsi en compétition avec les espèces subalpines dont les milieux de prédilections se réduisent d'années en années.
Ces enjeux sont pris en compte depuis plusieurs années par les gestionnaires d'espaces naturels et les scientifiques, à l'instar des travaux menés dans les Réserves naturelles nationales du Sancy. Toutefois, l'accélération des phénomènes incite à la prudence car les dynamiques et leurs interférences avec les autres menaces sont encore largement à étudier...
Dans cette optique, il devient encore plus important de préserver certains milieux refuges, à l'image des forêts subalpines. Celles-ci contribuent à freiner les vents et favorisent ainsi les accumulations de neige en lisière forestière dans les zones de haute altitude. Ce phénomène permet d'hydrater les sols durant une longue période y compris pendant les sécheresses estivales. À cela s'ajoute un rôle microclimatique, le couvert forestier offrant une diminution des températures de 3°C en moyenne dans les forêts françaises (Lenoir & al 2017). Cette compensation microclimatique permet ainsi à des espèces subalpines de se maintenir à ces altitudes malgré le dérèglement climatique : certaines espèces subalpines du Massif central s'observent en forêts dans les Alpes, à l'exemple d'Homogyne alpina, Soldanella alpina ou des espèces de mégaphorbiaies. Par conséquent, il est important d'adapter notre utilisation du territoire pour permettre aux dynamiques naturelles forestières d'avoir lieu, quitte à repenser nos habitudes.
À l'image d'autres régions et des besoins légitimes d'accès à la nature, les zones subalpines du Massif central font l'objet d'une fréquentation humaine en augmentation depuis ces dernières années. Comme les autres milieux naturels, cette augmentation s'est accélérée suite à la pandémie de Covid 19, à l'exemple des chiffres établis sur le Sancy. Mais le développement de certains loisirs de pleins airs (randonnée, vtt, trail, sports motorisés, escalade...), d'évènements de plein air (compétitions, concerts, installations artistiques...) et l'évolution technologique de certains matériels (vtt électrifiés, quads, drones...) conduisent en effet le public à fréquenter des espaces non aménagés à cet effet, parfois protégés et abritant des espèces en voie de disparition.
Citons, par exemple, le cas du Séneçon argenté (Jacobaea leucophylla) dont les seules populations françaises, outre celles des Pyrénées orientales, se situent au sommet du Mézenc fréquenté par environ 50 000 visiteurs par an ! Évoluant au sein d'éboulis et pierriers de phonolithes, cette espèce endémique est directement menacée par les divagations hors sentiers des visiteurs et surtout par le déplacement incontrôlé de pierres et rochers pour l'édification de cairns et d'abris contre le vent ! Des mises en défends, des panneaux d'information et la restauration des sentiers ont été mis en place mais la surfréquentation du site rend ces mesures relativement peu efficaces à long terme.
Outre les impacts induits par le passage très régulier de visiteurs, les aménagements en pleine montagne - pour répondre à de nombreux besoins touristiques ou économiques-, peuvent s'avérer tout aussi délétères sur la biodiversité. Depuis la loi Montagne de 1985, l'aménagement en altitude demeure limité afin de préserver les milieux les plus fragiles, aussi bien pour la flore que pour la faune. Cependant, les zones naturelles en montagne sont à la croisée d'une grande diversité de besoins et d'envies conduisant trop souvent à un aménagement progressif mais bien réel de l'espace : édifices, routes, chemins, voies d'accès, pistes de ski ou de descentes en VTT, parking, sécurisation de passages délicats, adduction d'eau, équipements de loisirs, déplacement de rochers... Dans le Forez, par exemple, le domaine skiable de Chalmazel accueille 7 espèces de lycopodes dont 4 bénéficient d'une protection nationale. La plupart de ces espèces sont prises en compte par les pouvoirs publics et les gestionnaires des stations de ski de manière à éviter toute destruction par des aménagements lourds (remontées mécaniques, canons à neige…).
Les besoins énergétiques actuels incitent également les pouvoirs publics à envisager l'implantation de parcs photovoltaïques ou éoliens sur les espaces les plus lumineux ou ventés du Massif central. Si jusqu'alors, les sommets sont épargnés en raison de leurs conditions climatiques sévères, de leur valeur patrimoniale ou de leurs statuts de protection (Grands sites de France, patrimoine mondial de l'UNESCO, Réserves naturelles nationales...), le développement d'énergies propres en lien avec les objectifs de transition écologique, et donc la multiplication des projets à l'étage montagnard (Cézallier, Mézenc, Sancy…), doit nécessairement tenir compte des impacts sur ce patrimoine végétal (passage de lignes HT, pistes d'entretien, etc.).
Au fil du temps, ces divers aménagements mais aussi les impacts consécutifs à une plus grande fréquentation de ces espaces participent à la simplification ou la destruction de nombreuses espèces et habitats subalpins sensibles et menacent leur pérennité.
Depuis les premiers défrichements néolithiques, les sommets du Massif central n'ont cessé de faire l'objet d'un pastoralisme jusqu'alors extensif, participant ainsi à un équilibre agro-écologique remarquable : cette présence humaine a contribué au maintien ou au développement de certaines espèces subalpines, et a permis d'assurer une ressource herbagère de fin de saison pour le bétail.
Cependant, en raison du dérèglement climatique et plus particulièrement de l'augmentation de la fréquence des épisodes de sécheresse, cette ressource herbagère se voit exploitée de plus en plus précocement et de manière prolongée. Or, bien que ces milieux soient protégés de la mécanisation des pratiques et surtout d'une surfertilisation en raison du relief, cette surexploitation suffit à nuire aux espèces déjà soumises à un stress climatique de plus en plus fréquent.
De plus en raison de leur intérêt esthétique (et parfois de leur rareté), plusieurs espèces patrimoniales font l'objet de cueillette de hampes florales diminuant ainsi la reproduction des populations déjà en déclins. C'est le cas de nombreuses liliacées et plantes proches (Lis de Saint-Bruno, Lis martagon, Ail de la Victoire, œillets, narcisses...) dont beaucoup font pourtant l'objet d'une protection régionale ou nationale. Mais le danger provient principalement de l'engouement récent envers les produits naturels qui a contribué au développement de cueillettes à vocation commerciale d'espèces aromatiques ou médicinales : aconits, anémones et pulsatilles, gentianes, airelles, Arnica, Pied de chat...). Malgré la volonté de maintenir la ressource sur le long terme, l'absence de coordination quant à l'exploitation de ces ressources conduit à observer avec attention l'évolution des populations des espèces concernées.
Une exploitation de plus en plus précoce et de manière prolongée...