À l'heure où les Alpes voient la plupart de leurs glaciers reculer, les projecteurs des scientifiques sont principalement braqués sur les végétations des très hautes altitudes dans la perspective de comprendre les changements floristiques à l'œuvre. Sur les autres massifs de moyenne montagne tels que le Massif central où le plafond altitudinal contraint la migration des plantes à plus haute altitude, l'impact du dérèglement climatique sur les végétations demeure encore méconnu. Véritables laboratoires à ciel ouvert, les végétations subalpines de ce territoire voient pourtant s’effectuer des processus de résistances et d’extinction de la flore. Les enjeux sont nombreux : quelles espèces risquent de disparaître à court, moyen et long termes ? Quelles sont les modifications engendrées au sein des communautés végétales ? Les modifications observées sur la flore auront-elles un impact sur les paysages, le fonctionnement des écosystèmes, la vie de l'homme, les activités économiques et agricoles, etc. Comment répondre à ces besoins de connaissance ?
Contrairement à la faune dont il est possible d'observer, en temps réel, les déplacements et changements comportementaux au fil des modifications des conditions écologiques des lieux de vie, les réponses de la flore et des végétations au dérèglement climatique sont plus difficiles à apprécier, d'autant plus lorsque celles-ci font l'objet d'autres facteurs d'évolution (pratiques agricoles, activités humaines, incendies, érosion naturelle...).
L'évolution de la distribution et de l'abondance des espèces permet néanmoins d'apprécier le changement des conditions climatiques et stationnelles à condition de les aborder sur un temps long et à de multiples échelles spatiales. L'évolution de la flore peut en effet être appréciée à l'échelle d'une communauté végétale en comparant un relevé de végétation effectué au même endroit mais à deux périodes distinctes (analyse diachronique), mais peut également s’appréhender en étudiant l'évolution d'une même communauté végétale, de manière synchrone, sur plusieurs territoires éloignés (analyse synchronique). Enfin, les caractéristiques écologiques de chaque espèce, et par conséquent la bioindication apportée par ces traits, peuvent nous renseigner sur l'évolution de certains facteurs écologiques : la progression d'espèces thermophiles peut indiquer, par exemple, un réchauffement local (thermophilisation). Ces résultats doivent cependant être couplées avec des mesures de terrains, ce que le CBN et les RNN obtiennent grâce à la pose de sondes permanentes.
Fort de l’expérience acquise à travers l'inventaire et le suivi des végétations du Massif du Sancy, le Conservatoire botanique a souhaité développer une véritable stratégie d'amélioration des connaissances à l'égard des végétations subalpines du Massif central en étendant son analyse aux autres montagnes.
Trois catégories d'actions sont envisagées :
Le Conservatoire botanique a développé à cet effet un protocole s'appuyant sur le suivi et l'analyse de l'abondance et de la diversité des espèces végétales (Trachéophytes, bryophytes et lichens), de la quantité de sol nu (qui caractérise l’état de conservation du milieu et l’espace disponible à la colonisation végétale), de la topographie, de la distribution de la végétation, et des données climatiques, en particulier la durée d’enneigement et la température au niveau du sol (relevés par sonde).
L’échantillonnage des végétations s'appuie sur une méthode par transect, afin de refléter au mieux la distribution de celles-ci selon la topographie, en particulier à l'égard des dépressions propices à la formation de combes à neige et de végétations chionophiles, premier objet de recherche.
Le transect d’un mètre de côté est matérialisé à ses deux extrémités par des piquets en fer (d’une longueur de 70 cm) enfoncés dans le sol et dépassant légèrement de la végétation afin d’être repérés lors des futures lectures du suivi. Si nécessaire, un troisième piquet est positionné au niveau des ruptures de pentes pour faciliter le positionnement du transect. Les extrémités du transect sont systématiquement relevées par GPS.
Les espèces végétales tout comme l’absence de végétation sont relevés systématiquement le long du transect à l’aide d’un quadrat mobile (1 m²) déplacé le long d’un mètre ruban lui-même tendu le long du sol entre les piquets. Afin de visualiser la répartition spatiale des espèces, le relevé est reproduit tous les mètres sur plusieurs dizaines de mètres. Des coefficients proportionnels caractérisent l’abondance des différentes espèces pour chaque mètre carré (+ : un ou deux individus ; 1 : > 0% à 25% ; 2 : > 25% à 50% ; 3 : > 50% à 75% ; 4 : > 75% à 100%).
Relevé de végétation sur 1 m2 le long du transect. Une fois le relevé effectué le quadrat est déplacé d'un mètre pour effectuer le relevé suivant. L'opération est répétée jusqu'à atteindre l'autre extrémité du transect.
Les analyses issues de ces suivis et les comparaisons qui en découleront, d’après la méthode de HOSTEIN C. 2020, permettront d’améliorer la connaissance des espèces subalpines et leur réaction face aux changements globaux de températures et de précipitations, puis de prendre en compte les évolutions observées dans la gestion des espaces concernés.