Alors que le déplacement des espèces vers de plus hautes latitudes et l’enrichissement des sommets sont documentés depuis quelques années, les changements de compositions floristiques au sein des communautés en réponse au changement climatique ont peu été étudiés. Par ailleurs, si la plupart des études existantes se sont concentrées sur les communautés alpines et subalpines, et plus particulièrement sur le massif des Alpes, l’évolution des végétations à des altitudes plus basses et/ou sur d'autres massifs montagneux a largement moins été explorée.
Dans la perspective d'améliorer les connaissances sur l'impact du dérèglement climatique sur les végétations des hautes altitudes du Massif du Sancy, 157 relevés phytosociologiques réalisés à plus de 1400 m d'altitude sur les Réserves naturelles de Chastreix-Sancy et de la Vallée de Chaudefour à la fin des années 1990 par Richard MICHALET (MICHALET R. & PHILIPPE Th. 1994, 1996) ont été rééchantillonnés en 2022 dans le cadre d'un stage conduit par Ida DELPY (Master EBE à l'Université Paris-Saclay) et encadré par Colin HOSTEIN (CBN Massif central) et Richard MICHALET (Université de Bordeaux).
Distribués de l’étage montagnard à subalpin et recouvrant différents types de communautés végétales (pelouses, landes et mégaphorbiaies), ces inventaires historiques et récents ont été comparés en termes de diversité spécifique (richesse spécifique, indice de Simpson...) et de composition des communautés (analyse factorielle des correspondances, indice de biodiversité temporel...).
À la lueur des résultats, on constate que sur l’ensemble du massif, mais aussi au sein des communautés végétales, la diversité spécifique a augmenté de manière synchrone, en particulier au sein des pelouses liées à un long enneigement et des landes psychrophiles (Qualifie des organismes adaptés au froid et capables de vivre à basse température). L’étude a également mis en évidence un déplacement significatif des espèces d’altitudes vers des zones plus élevées et des secteurs à enneigement plus long. Cependant les autres communautés végétales restent assez stables, et ne semblent pas affectées par le réchauffement climatique. Le développement de certaines espèces témoigne d’une ourlification des milieux (progression de la Callune, de la Gentiane jaune, de l'Œillet à feuilles d'hysope, de graminées...), et la disparition de certaines d’un assèchement (diminution de l'abondance du Trolle d'Europe).
La relation de ces changements floristiques en lien avec le dérèglement climatique reste néanmoins à confirmer : si l'ourlification constatée de manière synchrone au sein de plusieurs végétations pourrait être attribuée aussi bien au dérèglement climatique qu'à la diminution du pâturage, l’asséchement des mégaphorbiaies, même si aucun changement dans le recouvrement des espèces n’a été observé, peut constituer les prémices des impacts climatiques supposés.
Cette étude diachronique constitue les bases nécessaires pour effectuer de futurs suivis et des études complémentaires menées par l’université de Bordeaux et l’INRAE qui permettront alors d'infléchir ou confirmer les tendances observées.
Référence de l'étude : DELPY I 2022 - Analyse diachronique des végétations d'altitude du Massif du Sancy. Rapport de stage de fin d'étude. Conservatoire botanique national du Massif central. 42 p.