Les effectifs des populations de plantes messicoles ont commencé à chuter dans les années 1950.
Le phénomène s'est accéléré dans les années 1970-80 avec l'intensification de certaines pratiques culturales défavorables :
Ces changements de pratique ont diversement touché le Massif central selon les secteurs géographiques. Les cortèges sur sols calcaires, secs et superficiels sont principalement menacés par les pratiques de fertilisation des sols et le changement d'usage des terres peu propices à une agriculture productive. Sur sols limoneux ou sablonneux plus ou moins acides où se développent des groupements calcifuges moins diversifiés mais tout aussi caractéristiques, le principal facteur de régression de ces communautés réside dans les apports d'amendements basiques-calciques et d'apport d'engrais visant à rendre les sols plus fertiles. Les moissons sur sols limoneux ou argilo-limoneux, plus riches et favorables à la culture, accueillent des espèces à amplitude écologique plus large. Ces terres sont rarement abandonnées par l'agriculture et les espèces associées sont surtout victimes des traitements herbicides et du travail du sol (trop profond et/ou trop fréquent).
On estime ainsi, aujourd'hui, à près d'une centaine le nombre d'espèces compagnes des cultures menacées de disparition en France. Certaines sont au bord de l'extinction (Aspérule des champs, Cumin pendant, Garidelle...) et on observe déjà la disparition effective de plusieurs d'entre-elles (Brome des Ardennes, Cuscute du Lin...).
Selon les Listes rouges régionales établies dans les années 2014-2015, une quarantaine de plantes messicoles d'Auvergne et une soixantaine de Rhône-Alpes sont considérées en danger critique d'extinction (catégorie CR), en danger (EN), vulnérables (VU) ou quasi menacées (NT). Parmi ces dernières, près d'une trentaine sont cotées dans les catégories les plus élevées de menaces voire se montrent menacées d'extinction à l'échelle nationale. Celles-ci ne sont souvent plus présentes que dans quelques localités et souvent avec des effectifs dépassant rarement les quelques dizaines d'individus, les années favorables.
Ainsi, la Neslie de Thrace (Neslia paniculata subsp. thracica) n'a été revue ces dernières années que dans un secteur du bassin du Puy-en-Velay tandis que la Turgénie à larges feuilles (Turgenia latifolia) n'est localisée qu'aux bassins du Puy-en-Velay et Emblavez. La Grande androsace (Androsace maxima) n'est connue actuellement que dans deux secteurs de la vallée de l'Alagnon et du bassin du Puy-en-Velay ; la Glaucienne corniculée (Glaucium corniculatum) dans une moisson située sur un puy pépéritique de la Grande Limagne et le Glaieul des Moissons (Gladiolus italicus) dans quelques champs de céréales du bassin de Maurs. Les différentes espèces d'Adonis (Adonis aestivalis, A. annua, A. flammea), quant à elles, se maintiennent difficilement dans les bassins du Puy-en-Velay et d'Ambert, dans l'Emblavez, le Lembron, les Limagnes bourbonnaise et brivadoise, La Forterre et la plaine du Forez et le bas-vivarais...
Certaines messicoles ont quant à elles complètement disparu d'Auvergne depuis longtemps comme l'Ivraie du lin (Lolium remotum) liée aux cultures de lin ou la Renoncule en faux (Ceratocephala falcata) ou ne semblent pas avoir été revues récemment comme l'Ivraie enivrante (Lolium temulentum).
Selon la dernière étude conduite en 2021, 49 taxons sont en régression par rapport à leur présence dans les départements d'Auvergne-Rhône-Alpes avant et après 2000. Quatre espèces n'ont plus été observées depuis 2000 dans la région Auvergne-Rhône-Alpes : la Bifore testiculée (Bifora testiculata), la Garidelle fausse-nigelle (Nigella nigellastrum), la Ridolfie des moissons (Ridolfia segetum) et le Silène attrape-mouches (Silene muscipula). Autre exemple de régression, tandis qu'elle était observée anciennement dans tous les départements de la région, l'Aspérule des champs (Asperula arvensis) ne semble aujourd'hui présente que seulement dans la Drôme.
En Auvergne-Rhône-Alpes, 91 communes (soit un peu plus de 2 % du territoire régional) concentrent des enjeux très forts pour la conservation des messicoles, en particulier dans la Drôme (31 communes soit 8,52%), la Haute-Loire (13 communes soit 5,06%) et le Puy-de-Dôme (20 communes soit 4,31%). Sur la partie Massif central de cette région, les secteurs les plus intéressants sont les Limagnes au sens large (qui comprennent la Grande Limagne, les plaines de Varennes, les Limagnes de Gannat et Saint-Pourçain, la Forterre, le Billomois-Comté, les coteaux de Limagne, les Limagnes du Brivadois, ainsi que le val d'Allier), l'est des pays coupés des Volcans, la plaine du Livradois, la Planèze de Saint-Flour, le nord-ouest du Devès, le Bassin du Puy-en-Velay, l'ouest du Meygal, la plaine du Forez, le Bas-Vivarais et le Coiron, ainsi que la vallée du Rhône en partie. Plus largement, à l'échelle du Massif central, les communes rassemblant le plus grand nombre d'espèces se situent sur les Grands Causses aveyronnais (Millau, Saint-André-de-Vézines, La Roque-Sainte-Marguerite, Creissels), dans les causses du Quercy (notamment Lalbenque, Lot) et dans l'Emblavez (notamment Rosières, Haute-Loire).
Les messicoles assurent des services écosystémiques. Elles vivent en association avec une microflore et une microfaune garantes de la « bonne santé » des sols et par conséquent des cultures qui s'y développent. Ces organismes constituent également un apport de nourriture important pour d'autres animaux. On trouve parmi eux de nombreux insectes auxiliaires des cultures (coccinelles, syrphes, chrysopes...) ou des pollinisateurs précieux, ou encore des oiseaux granivores comme les perdrix. Les messicoles sont ainsi à la base de la chaîne alimentaire du champ cultivé et de ses abords. On parle d'agro-écosystème.
La restauration ou le maintien d'agroécosystèmes favorables aux messicoles (mise en place d'une agriculture durable), nécessite la réduction des intrants chimiques, la mise en œuvre de rotations avec des céréales d'hiver intégrant des phases de jachère, la réutilisation des semences fermières, le maintien d'espaces semi-naturels au sein même des exploitations... La présence de messicoles (qui ne perdurent que dans les parcelles de céréales conduites sans herbicides et à charge azotée faible) constitue en soi un indicateur pertinent de la qualité écologique des cultures...
Bon nombre de plantes compagnes des cultures ont des propriétés pharmaceutiques (soin des yeux pour le bleuet, par exemple) ou alimentaires (huile de la cameline, salades sauvages que sont les mâches), toujours en vigueur de nos jours, et ont eu divers usages domestiques à travers les âges.
Les messicoles ont un écho culturel important : elles symbolisent aux yeux du grand public une nature vivante et un environnement de qualité (pensons à l'attrait et la signification des bouquets de bleuets et de coquelicots). Elles ont été représentées et louées par de nombreux artistes (peintres impressionnistes, poètes...). La France est riche d'une grande diversité d'espèces messicoles grâce aux multiples influences climatiques régnant sur son territoire, à sa pédologie, ses reliefs, à la variété des cultures pratiquées selon les régions... Nous avons donc une forte responsabilité de sauvegarde de cette biodiversité qui fait partie du patrimoine planétaire.
Les services écosystémiques rendus par les messicoles sont encore peu évalués et certainement sous-estimés.
Découvrez les actions entreprises par le Conservatoire botanique national du Massif central, et comment agir vous-même en faveur des messicoles.