Les forêts représentent aujourd’hui 36 % du territoire du Massif central (IPAMAC 2011). Ce chiffre, légèrement supérieur à la moyenne nationale (31 % d’après les chiffres de l’IGN), cache de fortes disparités (18 % dans l’Allier contre 57 % en Ardèche en incluant tous les types de forêts).
Les forêts du Massif central sont constituées à un peu moins de deux-tiers de feuillus, parmi lesquels les chênes dominent. Il s’agit généralement du Chêne sessile ou du Chêne pédonculé, sauf sur les coteaux chauds de basse altitude ou sur les marges méridionales du Massif central où l’on observe le Chêne pubescent, son hybride avec le chêne sessile, voire le chêne vert. Le Hêtre remplace les chênes à l’étage montagnard. Le Châtaigner occupe également une place importante dans certains territoires. Cette espèce a été introduite de longue date dans les secteurs acides du sud du Massif central (Cévennes, châtaigneraie cantalienne et limousine) pour la production de châtaignes. Si les chênes et plus rarement les hêtres se rencontrent en peuplement pur, les forêts sont souvent mélangées et peuvent alors comporter de nombreux autres feuillus. Il s’agit, en très grande majorité, de feuillus autochtones (Frêne commun, Charme commun, plusieurs espèces de Bouleau, d’Érable, d’Orme, de Saule, de Sorbier et de Tilleul, mais aussi Aulne glutineux, Peupliers noir, Merisier…), plus rarement d’exotiques (peupliers cultivés, robinier, Érable negundo, Chêne rouge d’Amérique…).
Les conifères se mêlent souvent à ce mélange, voire dominent ou constituent des peuplements purs. Contrairement à l’idée reçue, ces peuplements de conifères ne sont pas tous exotiques ou artificiels. Le Douglas et l’Épicéa commun, pour ne citer que les essences les plus utilisées, ne sont effectivement pas originaires du Massif central. En revanche, le Sapin blanc et le Pin sylvestre - les conifères les plus fréquents dans nos forêts-, sont des « enfants du pays », même si une partie des pineraies actuelles et une part anecdotique des sapinières actuelles ont été réalisées à l’aide de semences ou de plants exogènes au Massif central.
Du fait de son histoire (recolonisation spontanées, morcellement du parcellaire), la forêt du Massif central est globalement assez mélangée, soit pied à pied, soit sous forme de tâches plus ou moins grandes. Les chênes décidus, localement le Hêtre, mais aussi le Pin sylvestre et le Sapin blanc peuvent former cependant de vastes peuplements monospécifiques.
Même s’il s’agit le plus souvent de petites plantations dispersées, Douglas et Épicéa peuvent localement constituer des ensembles importants. Leur place dans le paysage est très variable en fonction des territoires. Le Douglas est très présent dans les Monts du Beaujolais et de la Madeleine (un quart des surfaces forestières), dans une moindre mesure les Monts du Lyonnais, la Montagne bourbonnaise ou sur le nord du Plateau ardéchois (entre 1/10e et 1/6e des forêts). L’Épicéa est, quant à lui, très présent sur le plateau des Sucs ardéchois, sur le Cézallier et dans les Monts Dore. Dans le Morvan, la moitié des forêts sont des résineux allochtones (notamment Douglas et Épicéa) ; plus de 40 % sur le plateau de Millevache en Limousin.
Les massifs forestiers constituent 60 % des réservoirs de biodiversité potentielle du Massif central (IPAMAC 2011). Le diagnostic de la biodiversité en Auvergne et les Schéma régionaux de cohérence écologique (SRCE) mettent aussi en avant l’importance des forêts pour la biodiversité, en sous-bois mais aussi dans les nombreux milieux associés : clairières, coupes, lisières, bords de pistes, petites zones humides ou rochers, etc. En Allemagne, où les écosystèmes forestiers sont voisins des nôtres, les scientifiques (KRAUS & KRUMM dir. 2013) révèlent que les forêts abritent 41 % de la flore vasculaire allemande (1216 espèces), 58 % de ses mousses (674
espèces) et 51 % de
ses lichens (1002 espèces).
En raison de leur complexité structurelle sans égale parmi les écosystèmes terrestres, de la diversité de niches écologiques et de processus écologiques (stratification de la végétation, variations des niveaux de lumière, présence de bois morts, vieux bois et de microhabitats au sol et sur les arbres), les forêts européennes à caractère naturel (on parle aussi de vieille forêt) peuvent même accueillir plus de 10 000 espèces sur quelques milliers d’hectares, ou plus de 5 000 sur quelques centaines d’hectares. La faune représente les deux tiers de cette biodiversité (dont 90 % d’insectes), la flore entre 10 et 20 % (VALLAURI & NEYROUMADE 2009 ; GIURGIU et al. 2001).
Nous ne disposons pas encore de chiffres aussi précis pour le Massif central et la plupart des forêts observées ne présentent pas un état écologique optimal. On sait toutefois qu’elles hébergent environ 30 % des plantes vasculaires recensées dans le Massif central, soit à peu près 1450 espèces, et localement jusqu’à 40 % des espèces, par exemple dans les forêts alluviales. Il s'agit des plantes du sous-bois, mais aussi de celles colonisant les milieux associés à la forêt. Sur la partie du territoire du Massif central comprise en Auvergne-Rhône-Alpes, 446 espèces forestières végétales sont menacées ou protégées (202 se rencontrent en sous-bois et 244 dans les milieux associés) ; environ la moitié des espèces de mousses (plus de 500 espèces), notamment corticoles, et plusieurs centaines d'espèces de lichens ; et 3/4 des 1280 espèces de champignons, non seulement les champignons mycorhiziens qui vivent en symbiose avec les arbres, mais aussi ceux qui décomposent le bois mort.
La faune n'est pas en reste, la forêt étant l’habitat d’une partie importante des oiseaux et des mammifères (dont 80 % des espèces de chauves-souris), mais aussi de la plupart des amphibiens et surtout d’un nombre incroyable d'invertébrés, en particulier d’insectes qui dépendent du bois mort (des centaines d'espèces), sans oublier toute une microfaune méconnue du sol…
Cette biodiversité est étroitement liée à la diversité de conditions écologiques (géologiques, climatiques, topographiques, etc.) rencontrées dans le Massif central. Si certaines espèces ne se trouvent que dans certaines parties très circonscrites du territoire, pour d’autres, plus largement répandues, cette variabilité des conditions de vie et l’histoire mouvementée des végétations forestières sont à l’origine d’une diversité génétique importante, encore méconnue, tant au sein d’une même forêt qu’au niveau du Massif central.
Les espèces rencontrées en forêt diffèrent en fonction des conditions écologiques, certaines se retrouvant plus fréquemment associées entre-elles. La phytosociologie étudie la structure, l’organisation, l’origine, le déterminisme et l’évolution de ces regroupements de plantes appelés « communautés végétales » et leur relation avec l’habitat naturel.
À travers cette discipline, le référentiel des végétations du Massif central Auvergne-Rhônalpin identifie 106 types de végétation. Ces types sont aujourd'hui décrits dans un catalogue détaillé, en déclinaison de la typologie nationale du Prodrome des végétations de France et suite du synopsis des végétations forestières du Massif central, d'ores et déjà disponible.
Dans le Massif central, certaines niches écologiques particulières sont à l’origine de types de végétation rares au niveau national ou européen dont certaines se montrent particulièrement fragiles. Parmi les forêts humides, les forêts alluviales, soumises à l’influence de la rivière, se montrent très diversifiées selon la force des cours d’eau. Dominées par les aulnes et les frênes sur les petits cours d’eau, elles sont remplacées par des saulaies lorsque les crues deviennent régulières. Sur les terrasses alluviales des grands cours d’eau se rencontrent des forêts alluviales à bois dur très diversifiées. Les forêts marécageuses et celles sur tourbe sont très différentes et plus adaptées aux fortes contraintes du milieu. Sur les tourbières bombées, seuls quelques pins ou bouleaux arrivent à pousser et forment des tourbières boisées originales. En montagne, on y retrouve les rares
Saule des lapons et Bouleau nain.
Des types forestiers originaux se rencontrent aussi sur les éboulis et les chaos de blocs rocheux. Ces forêts sont structurées par des essences telles que les tilleuls, les frênes ou les ormes supportant les blessures fréquentes occasionnées par la mobilité du terrain, tandis que les pins sylvestres, les sapins, les bouleaux et les sorbiers colonisent les blocs stabilisés.
On compte aussi des forêts très particulières en condition thermophile, non seulement sur la frange méridionale mais aussi plus au nord sur les pentes les plus sèches, certaines abritant des arbres rares pour le territoire (Pin de Salzman, Genévrier de Phénicie…).
Pour autant, la diversité des espèces n’est pas l’apanage de ces types de forêts particuliers, et une forêt d’un type très commun peut elle aussi héberger une biodiversité remarquable si elle présente une ancienneté, une maturité biologique, une structure et une composition des peuplements intègres, ou encore une continuité spatiale et temporelle avec la trame forestière.