Parfois nommées « Charagnes », « Girandoles » ou « lustres d’eau », les Characées sont des végétaux étranges et peu connus. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si les botanistes des siècles passés tels Lamarck et De Candolle (1815) eurent de réelles difficultés à les positionner au sein même du règne végétal : « elles s’approchent des batrachospermes par leur consistance, leurs articulations et leurs stations ; des prêles par leurs verticilles ; des lycopodes, par leurs fruits crustacés et axillaires ; des nayades, par leurs fruits axillaires »… Cette page a pour ambition de vous faire découvrir ce patrimoine singulier et de vous permettre d’apprendre à les reconnaître…
Les Characées sont aujourd’hui classées parmi les algues vertes. À noter qu’elles sont, malgré cela, phylogénétiquement plus proches des plantes terrestres (embryophytes) que des groupes d’algues vertes (Chlorophytes). Elles se différencient d’ailleurs de ces dernières par leurs caractères morphologiques et cytologiques, ainsi que par la singularité de leur appareil reproducteur (voir ci-après).
Près de 400 taxons sont actuellement répertoriés dans le monde. En Europe occidentale, ceux-ci se répartissent en six genres : Chara Linné, Lamprothamnium J. Groves, Lychnothamnus (Rupr.) Leonhardi, Nitellopsis Hy, Nitella Agardh et Tolypella Braun em. Von Leonhardi.
Les genres Chara et Nitella sont les plus représentatifs et regroupent la majorité des espèces. Mais la taxonomie, présentée ici, reste particulièrement discutée : de nombreux désaccords demeurent quant au rang à attribuer à certains taxons (espèces, sous-espèces, formes et variétés). Néanmoins, les études phylogénétiques se multiplient depuis peu et tendent à faire évoluer les liens de parentés entre les taxons. L’évolution continue de la taxonomie induit une riche synonymie, ce qui ne facilite pas l’initiation à l’étude des Characées. Selon Corillion, l’Europe occidentale compte 42 espèces. La plupart d’entre elles sont présentes en France métropolitaine, à l’exception du genre Lychnothamnus présumé éteint. 24 espèces ont été découvertes dans le Massif central.
Variabilité morphologique au sein des Characées. Sont illustrés de gauche à droite les genres Chara, Nitella et Tolypella.
© Simon Baudoin
En conditions optimales, les Characées forment fréquemment des tapis reconnaissables, épais et continus à la surface du sédiment. Toutefois, le plus souvent, les Characées se présentent sous la forme de végétations ouvertes et transitoires. Mêlées aux autres macrophytes, elles sont alors nettement plus difficiles à détecter. Bien que certaines espèces puissent atteindre jusqu’à 1,50 m en eaux profondes, leur taille réduite de nombreuses espèces (de 5 à 20 cm) ne participe pas à leur distinction parmi la végétation aquatique.
Confusions possibles avec les Characées. Dessins © Aurélien Labroche
Les Characées sont composées d’un axe dressé que l'on appelle axe principal (correspondant à la tige d'une plante vasculaire). Dans les genres Tolypella et Nitella, des axes secondaires, parfois nombreux, se développent à partir de l’axe principal ce qui donne à la plante un aspect buissonnant, surtout dans le genre Tolypella. L'axe principal est constitué d'une succession de nœuds et d'entrenœuds (les entrenœuds sont tous unicellulaires). Chaque nœud de l'axe principal, et parfois des axes secondaires, porte plusieurs rameaux (également appelés phylloïdes) organisés en verticilles. Sur ces rameaux se trouve l’appareil reproducteur : les gamétanges femelles appelés oogones et/ou les gamétanges mâles appelés anthéridies (ces dernières reconnaissables à leur couleur habituellement rouge-orangé).
La tige principale et les rameaux des espèces appartenant au genre Chara sont recouverts de filaments corticants (on parle de cortication, de cortex). Il s’agit de filaments qui sont produits par les nœuds et qui sont étroitement appliqués contre la tige. Ces filaments peuvent porter de petits appendices : les acicules.
De la même manière, certaines espèces produisent sous chaque verticille de rameaux, de petites protubérances foliaires disposées en collerette (semblables aux stipules d’une plante vasculaire) nommées stipulodes.
Les Characées se fixent dans le substrat grâce à leurs rhizoïdes, qui, à la différence des racines, ne jouent qu'un rôle de fixation au substrat. Chez certaines espèces, les rhizoïdes portent des bourgeons en forme de petites sphères (Nitellopsis obtusa) ou de petites "fraises" (Chara fragifera, l'épithète scientifique signifiant littéralement "qui porte des fraises") assurant un rôle de propagation végétative que l'on appelle bulbilles.
Principaux caractères morphologiques d’une characée. © Aurélien Labroche
Les Characées précipitent le calcium présent dans l’eau. Celui-ci se fixe sur les tissus sous la forme de carbonates de calcium. Ce processus dépend de la teneur de l’eau en calcium et de la quantité de lumière pénétrant dans l’eau, la photosynthèse en étant le moteur principal. Cette calcification oblige parfois les botanistes à décarbonater les plantes en les plongeant quelques minutes dans du vinaigre blanc par exemple pour pouvoir les déterminer (Mouronval et al, 2016) !
Autre curiosité, les organes femelles fécondées (semblables à des graines) des Characées se fossilisent sous forme d’oospores calcifiées, appelées gyrogonites. Les fossiles les plus anciens découverts à ce jour datent du Silurien (fin de l’ère primaire, il y a environ 430 millions d’années). La morphologie des fossiles découverts était déjà la même que celle des plantes que nous connaissons aujourd’hui !
Fossiles de Characées. © Aurélien Labroche