Les principes de gestion forestière durable, intégrant les enjeux de biodiversité, sont bien connus GOSSELIN & PAILLET 2010 ; KRAUS D., KRUMM F. (dir.) 2013) . Le Plan régional forêt bois pour la région Auvergne-Rhône-Alpes intègre un certain nombre de ces recommandations en matière de biodiversité, afin d'atteindre non seulement les objectifs de mobilisation de bois mais aussi ceux de préservation de la biodiversité.
Voici quelques exemples à destination des propriétaires et exploitants forestiers
L'influence des consommateurs sur l'offre et la demande en bois est considérable. Les quelques gestes évoqués ci-après peuvent contribuer, s'ils sont durablement amplifiés par leur nombre, à réduire l'impact de la sylviculture sur la biodiversité et à structurer des filières vertueuses à cet égard. Aux actes citoyens !
Pour lutter contre le changement climatique, de nombreux décideurs publics proposent d'intensifier la gestion forestière dans la perspective d'accroître le stock de carbone piégé par le bois. Or, si la forêt constitue effectivement le plus important puit de carbone en France métropolitaine (IGN 2005), on oublie que la biomasse est constituée pour moitié du carbone stocké dans le sol, en particulier celui des forêts anciennes. Toute exploitation forestière impliquant un travail du sol est susceptible de libérer le carbone ainsi stocké par le sol depuis plusieurs siècles.
Contrairement à une idée reçue, et même s'il pousse moins vite en diamètre qu'un jeune arbre, un gros arbre peut continuer à séquestrer chaque année du carbone : en effet, plus le diamètre est important, plus le gain en diamètre se traduit par une production importante en volume. Ainsi, trois ans de croissance d'un gros bois d'environ 50 cm de diamètre est équivalente en volume de bois à un jeune arbre de 10 à 20 cm (STEPHENSON N.L. et al. 2014). Miser sur la production de gros bois permet non seulement de s'orienter vers une sylviculture à haute valeur ajoutée, mais aussi de stocker plus efficacement du carbone. Plus largement, une vieille forêt, c'est à dire présentant des caractéristiques de forêt naturelle comme l'abondance de vieux arbres et de bois mort, continue à emprisonner efficacement le carbone : laisser en plus des secteurs sans aucune exploitation n'est donc pas un non-sens en termes de séquestration de carbone, bien au contraire (LUYSSAERT S., SCHULZE E.D., et al. 2008). Produire du bois dans certaines forêts, et stocker du carbone dans d'autres, y compris dans des secteurs laissés totalement sans exploitation, n'est pas du tout contradictoire (IGN 2005). En revanche, stocker du carbone dans les forêts de production ne peut se concevoir dans un système très intensif, avec des arbres de petit diamètre et un sol régulièrement perturbé (coupe à blanc, travail du sol puis plantation).
En privilégiant la production de gros bois, et notamment de bois d'œuvre, il est possible d'amplifier le stockage de carbone sur pied, tout comme le stockage de carbone en produits manufacturés de long terme (mobiliser et menuiseries intérieurs, charpentes..).
En choisissant une sylviculture irrégulière à couvert continu, on évite les coupes à blanc ; les coupes sont petites et progressives, sur le modèle des trouées qui permettent le renouvellement naturel de la forêt. Le sol ainsi préservé est moins susceptible de libérer du carbone par minéralisation de la litière.
Quant à l'utilisation des bois et forêts en tant qu'îlots de fraîcheur dans un contexte de changement climatique et de multiplication des canicules, il est montré que la température en sous-bois est en moyenne de 3 degrés moindres qu'à l'extérieur (LENOIR J., HATTAB t. & PIERRE G 2017). C'est effet micro-climatique permet aux concitoyens de trouver des espaces de fraîcheur en période estivale. Ce qui est bénéfique aux hommes l'est également pour les plantes. En effet, le microclimat du sous-bois permet le maintien des espèces les plus fragiles au dessèchement (en particulier les espèces hyperatlantiques ou des milieux frais et confinés) et à certaines essences sensibles aux coups de chaud de se maintenir, notamment les semis et jeunes plants. Ouvrir trop brutalement la canopée en pratiquant des coupes trop fortes et des coupes rases, c'est monter le thermostat de la forêt de plusieurs degrés.
Que se passe-t-il si l'homme vient à abandonner ses pratiques forestières ? La forêt meurt-elle ? Les arbres peuvent-ils se renouveler ? Dans de nombreux cas, à l'exception notable des plantations d'essences exotiques non éclaircies, non seulement la forêt ne meurt pas si on arrête toute exploitation, mais elle acquiert progressivement, de surcroît, les caractéristiques essentielles des forêts naturelles, très favorables aux espèces forestières. En réalité, l'Homme a davantage besoin de la forêt et de son bois qu'elle n'a besoin de lui. La constitution d'un réseau d'îlots, plus ou moins grands, en libre évolution, parmi les forêts gérées le plus durablement possible, permettraient de contribuer fortement à la préservation de la biodiversité forestière.
Dans les forêts laissées en libre évolution depuis un temps suffisant, et dont on a des exemples en France, il est possible d'observer un grand nombre de vieux arbres, atteignant des dimensions jamais atteintes en forêt de production. On observe aussi une grande quantité de bois mort et de dendromicrohabitats (généralement éliminés en forêt de production). On considère qu'il faut seulement 30 ans d'abandon pour que la biodiversité en espèces strictement forestières augmente (PAILLET et al. 2010) ; il s'agit en particulier des mousses, des lichens, des champignons, mais aussi de tous les êtres vivants qui consomment du bois mort ou vivent dans les cavités.
Aujourd'hui, le rôle du forestier n'est pas seulement de désigner les arbres à couper, il consiste aussi à organiser la durabilité de la forêt tout en contentant ses différents usages (économiques, récréatifs, sociaux, culturels, environnementaux…). Dans la perspective d'accroître la biodiversité forestière, il peut aussi décider, de manière pérenne, de ne plus couper une partie ou la totalité des parcelles gérées.
Dans le Massif central, à l'image de quelques secteurs des Gorges de la Rhue (Cantal) préservés à l'initiative de leurs propriétaires, les réserves forestières restent particulièrement rares. Ainsi, en Auvergne-Rhône-Alpes, seul 1 % des forêts est laissé en libre évolution de manière pérenne. L'essentiel des surfaces est situé dans la partie Alpine. Au niveau national, on estime que moins de 0,2 % des forêts présentent encore des caractéristiques de forêt naturelle, pour la plupart inconnues et exemptes de protection particulière tandis qu'il est conseillé de laisser au moins 10 % des forêts en libre évolution pour répondre aux besoins des espèces liées aux stades matures (LARRIEU et al. 2012 & 2013). En hêtraie sapinière par exemple, si les petites surfaces en libre évolution ne sont pas sans intérêt, un minimum de 20 ha est nécessaire à la pleine expression de tous les types de dendromicrohabitats (LARRIEU et al. 2013).