Les herbiers à Characées,
un rôle essentiel dans les écosystèmes aquatiques

Les Characées colonisent une large diversité de milieux aquatiques tant que l’eau conserve une excellente qualité physico-chimique. Très productives, elles forment d’importants herbiers offrant un support de vie pour une grande diversité d’animaux. Leur forte sensibilité à la qualité des eaux en font de précieuses indicatrices pour l’analyse de l’état de conservation des milieux aquatiques.

Des herbiers adaptés à la vie aquatique

Au cours de l’histoire, les Characées ont su s’adapter à des conditions parfois extrêmes pour limiter la compétition avec les autres plantes. Certaines espèces peuvent s’installer à des profondeurs de plus de 20 mètres et survivre en recevant moins de 1% du rayonnement solaire (CORILLION, 1957). À l’inverse, d’autres se développent dans des eaux très peu profondes de moins de 5 centimètres.

Même si la plupart des Characées sont inféodées aux eaux douces, certaines se sont adaptées à la salinité. Deux espèces : Lamprothamnium papulosum et Tolypella salina peuvent ainsi être observées dans les marais salants du sud de la France dans des eaux hyperhalines : plus salées que l’eau de mer ! Il est d’ailleurs possible d’observer certaines espèces dans les sources salées continentales comme dans les sources salées de Saint-Nectaire (Puy-de-Dôme) dont les eaux sont particulièrement riches en minéraux.

Cette plasticité écologique leur a permis de coloniser des milieux humides extrêmement divers, composant parfois d’importants « herbiers aquatiques ». Les Characées s’observent aussi bien dans les mares et les marais, les étangs et les lacs que dans les fossés ou les ornières forestières. Elles peuvent aussi se développer dans des milieux plus anthropisés tels que les fontaines et abreuvoirs, les carrières en eau, les barrages-réservoirs et même les marais salants ! Majoritairement présentes dans les eaux stagnantes, elles peuvent parfois tolérer un courant modéré : leurs rhizoïdes leur permettent de se fixer dans des substrats assez divers mais toujours suffisamment meubles. Nombre de Characées affectionnent les remontées d’eau des nappes phréatiques, notamment en raison de leur fraîcheur et de leur pauvreté en nutriments. Plus de 24 végétations à Characées différentes ont été recensées sur le territoire du CBN Massif central.

Un rôle essentiel dans les écosystèmes aquatiques

Capable d’une forte productivité, les Characées jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des milieux aquatiques. On les qualifie d’ailleurs « d’espèces ingénieures » tant leur biomasse structure l’écosystème et influe sur les conditions physico-chimiques des eaux. Leurs tissus stockent d’importantes quantités de carbone, phosphore et azote mais sont aussi très efficaces dans le piégeage des particules organiques et minérales en suspension dans l’eau. Les Characées améliorent ainsi la transparence des eaux, régulent la disponibilité en nutriments et évitent les blooms phytoplanctoniques.

Une fragilité bioindicatrice

Les herbiers de Characées, denses et complexes, offrent des conditions de vie idéales pour les communautés de macroinvertébrés (mollusques, crustacés, insectes…) qui se nourrissent du périphyton se développant sur leurs frondes. Ils constituent alors un formidable garde-manger pour les jeunes poissons (perches, gardons…) qui dépendent largement de la microfaune aquatique dans les premiers stades de leur développement mais aussi pour les brochetons qui trouvent là, un bon terrain de chasse et un refuge vis-à-vis de leurs congénères parfois cannibales. Ils offrent également une ressource alimentaire non négligeable pour les oiseaux d’eau herbivores car la faible teneur en cellulose de leurs tissus les rend facilement digestes. À titre d’exemple, les Characées représentent 40% du régime alimentaire de la Foulque macroule, du Cygne tuberculé ou de la Nette rousse (ALLOUCHE et al., 1988). Les oospores des Characées contribuent quant à elles pour 14% au régime alimentaire du Canard colvert et pour 25% à celui de la Sarcelle d’hiver (TAMISIER, 1971) !

Une fragilité bioindicatrice…

S’ils sont présents dans de nombreux types de milieux, les herbiers à Characées sont cependant souvent transitoires et sont généralement remplacés par les trachéophytes sous l’effet d’un enrichissement progressif des eaux en nutriments (phénomène d’eutrophisation). Certains herbiers peuvent néanmoins se maintenir dès lors que la disponibilité en nutriments demeure naturellement limitée (eaux oligotrophes à oligo-mésotrophes).

Cette sensibilité aux apports phosphatés et azotés mais aussi à la turbidité des eaux et la prolifération du phytoplancton fait des Characées de bons indicateurs de la qualité des eaux… Ces plantes sont d’ailleurs utilisées dans plusieurs dispositifs d’évaluation de la qualité des milieux et des eaux, en particulier pour estimer l’eutrophisation, la salinité, l’acidité, la minéralisation ou la pollution : Indices Biologiques Macrophytiques en Rivière et en Lac (IBMR ; IBML) ou du Trophic Index with Macrophytes (TIM). En France, l’évaluation de l’état de conservation de certains habitats d’intérêt communautaire repose aussi sur la présence et l’abondance de certaines espèces de Characées.

Une fragilité bioindicatrice