Forêt de Tronçais - E. BOITIER / DREAL Auvergne Rhone-Alpes

Les trachéophytes de l'Allier

État de connaissances

Les informations disponibles proviennent pour la grande majorité d’observations de terrain (87%), complétées par les données bibliographiques (13%). La Flore du département de l’Allier et des cantons voisins par Abel Migout, parue en 1890, est la première flore sur ce département ; ses informations, qui reprennent en partie les observations de botanistes plus anciens, sont parfois à utiliser avec précautions compte-tenu de leur ancienneté. La part des données issues des herbiers (0,25%) est sous-estimée, l’ensemble des herbiers français n’ayant pu être consulté pour vérifier si des données sur l’Allier étaient présentes, en particulier l'herbier de Robert Deschâtres.
Les observations de terrain proviennent pour l’essentiel du programme de cartographie de la flore d’Auvergne, lancé par le CBN Massif central à partir de 1997, avec l’appui d’un réseau de botanistes départementaux. Cet important programme a conduit en 2006 à la parution de l’atlas de la flore d’Auvergne (Antonetti, Brugel, Kessler 2006). À cette occasion, l’Allier a bénéficié de prospections plus importantes que les autres départements auvergnats en raison d’une connaissance fragmentée, bien que certains secteurs fussent bien parcourus par des botanistes de renom comme Robert Deschâtres jusqu’en 2014. Deux botanistes du CBN Massif central, Eric Brugel (entre 2001 et 2006) et Francis Kessler (de 2003 à 2005), ont ainsi parcouru la majorité des mailles du département de l’Allier pour améliorer la connaissance sur la répartition de la flore.
Des inventaires floristiques ont par la suite été menés sur différents sites dont des espaces naturels sensibles du département : Boire des Carrés, Coqueteaux, Boire des Jélines, Tourbière du Mathé ou Chavennes, ou lors de travaux d'inventaire et de cartographie de la végétation. Plus d'une cinquantaine d'études ont ainsi été menées dans ce cadre.
Toutefois, les données considérées comme récentes, datées des 15 dernières années, ne représentent que moins d’un tiers des observations totales.

315782
informations floristiques
Relevés floristiques
Pression d'observation
Origine des informations et observations capitalisées
41660données d'origine bibliographique
789données originaires d’herbiers
273333données d'inventaires et diverses données de terrain
45690données collectées par le personnel du CBN
270092données issues des travaux hors CBN
Temporalité des données
22056 données historiques
208368 données anciennes
85358 données récentes
Diversité et éléments patrimoniaux de l'Allier
Diversité taxonomique

Avec 1644 taxons connus, la richesse floristique du département de l’Allier est moindre que celle des autres départements auvergnats, mais les grandes vallées alluviales de l’Allier et de la Loire présentent une spécificité nationale.

d'informations sur Biodiv'AURA
1869 taxons
dont
1644 indigènes connus
225 exogènes
Nombre d'espèces par maille
Nombre de taxons par maille
Taxons menacés
Liste rouge nationale Liste rouge régionale
EW
0 0
RE
0 10
CR
2 71
EN
13 99
VU
9 65
NT
36 94
Sur la base des connaissances, le risque d’extinction des plantes recensées sur le département a été récemment évalué dans le cadre de la réalisation de la Liste rouge de la flore vasculaire menacée d’Auvergne. Sur plus de 3000 plantes analysées, 400 espèces s’avèrent citées dans le « cœur » de la Liste rouge régionale c’est-à-dire considérées en danger critique d’extinction (CR), en danger (EN), vulnérables (VU) et quasi menacées (NT). Même si la connaissance de certaines zones n’est pas exhaustive, le Tronçais, le Val d’Allier, la Sioule et la Limagne bourbonnaise semblent concentrer la plus grande richesse floristique patrimoniale, en nombre d’espèces rares et menacées par maille UTM 5 × 5 km.
Au niveau national, 26 taxons signalés dans le département de l’Allier sont inscrits sur la liste rouge de la flore menacée de France (catégories en danger critique de disparition CR, en danger de disparition EN, vulnérable VU), mais seulement cinq d’entre eux ont été revus depuis moins de 15 ans sur au moins une localité, les autres taxons ayant pour certains disparus depuis longtemps.

Le Vulpin faux-roseau, classé vulnérable, est une espèce très localisée en France, connue uniquement dans la Limagne dans l’Allier et le Puy-de-Dôme.
Le Buplèvre de Gérard, classé vulnérable sur la liste rouge nationale et en danger de disparition en région Auvergne, n’est connu que de quelques stations sur des terrasses de la Loire, dans la réserve naturelle régionale du val de Loire bourbonnais à Saint-Martin-des-Lais.
La Campanule cervicaire, vulnérable en France et en danger critique de disparition en Auvergne, n’est connue actuellement que du sud de l’Allier, dans des lisières forestières à Bas-et-Lézat.
La Damasonie étoilée, en danger de disparition en France et en danger critique de disparition en Auvergne, connue en Auvergne uniquement dans le département de l’Allier, a été retrouvée récemment en bordure de mare à Dompierre-sur Bresbre, mais plusieurs localités anciennes n’ont pas été retrouvées.
La Lindernie rampante, en danger de disparition en France et en danger critique de disparition en Auvergne, est une espèce en forte régression connue de nos jours de quelques stations sur des rives d’étangs ou de boires. La Lindernie rampante est soumise à une forte concurrence par une espèce nord-américaine très proche, la Lindernie fausse-gratiole, qui envahit ses anciennes stations.

Plusieurs taxons inscrits sur la liste rouge de la flore menacée en France n’ont pas été revus dans l’Allier, mais sont en majorité des espèces signalées il y a plus de 50 ans dans des moissons ou des cultures, et probablement disparu de nos jours, ou avec des effectifs très faibles, en raison de l’intensification des pratiques agricoles : l’Aspérule des champs, l’Ivraie enivrante, la Nigelle des champs, la Spergulaire des champs, La Caméline à petits fruits, Neslie apiculée, le Buplèvre à feuilles rondes, l’Adonis flamme…ou l’Adonis d’été.
Dans les milieux humides, quelques taxons menacés seraient à rechercher dans leurs anciennes stations : La Laîche à épis d'orge, l’Élatine Poivre-d'eau, la Grande douve, l’Élatine fausse alsine, la Marsilée à quatre feuilles, la Canche des marais ou l’Inule d'Angleterre…
Enjeux de conservation dans l'Allier
Taxons à enjeux de conservation
Dans l'Allier, il y a 274 espèces à enjeux de conservation
Conringia orientalis (L.) Dumort. - B. Gravelat / CBN Massif central
Taxons indigènes protégés
Dans l'Allier, il y a 57 taxons protégés
- 4 taxons indigènes protégés inscrits à la DH
- 25 taxons indigènes protégés au niveau national
- 48 taxons indigènes protégés au niveau régional
Dix taxons protégés au niveau national ont été signalés dans le département de l’Allier, dont 4 revus récemment, et les zones humides, terme qui comprend étangs et vases humides, tourbières, prairies humides et friches alluviales… en hébergent plus de la moitié, ce qui montre leur importance : la Marsilée à quatre feuilles (Marsilea quadrifolia), la Boulette d’eau (Pilularia globulifera), la Lindernie rampante (Lindernia palustris), la Pulicaire commune (Pulicaria vulgaris), la Grande douve (Ranunculus lingua), le Flûteau nageant (Luronium natans), ou le Spiranthe d’été (Spiranthes aestivalis), qui n’a pas été observé depuis près de 100 ans dans l’Allier.
Quatre autres taxons protégés en France se rencontrent assez rarement sur des substrats plus secs : le Rosier de France (Rosa gallica) aux fleurs rouge vif ; la Gagée des rochers (Gagea bohemica), qui n’est connue que de pelouses sur rochers de Limagne et de Vallée et gorges de la Sioule ; la Gagée des champs (Gagea villosa), connue principalement dans les vignes et les cimetières ; L’Orchis punaise (Anacamptis coriophora), des prairies fraîches ou pelouses sèches selon la sous-espèce, n’a pas été revu dans le département depuis près de 100 ans.
Au niveau régional, ce sont 50 autres taxons protégés sur l’Auvergne qui sont présents dans le département, sans prendre en compte la Lindernie rampante protégé aux niveaux national et régional. Mais la moitié seulement de ces 50 taxons, soit 25 taxons, ont fait l’objet d’observations récentes de moins de 15 ans, 11 de données anciennes, et 17 des données historiques datant de plus de 50 ans.
Ces taxons protégés régionalement se rencontrent en majorité sur les coteaux calcaires (15 espèces), avec des espèces présentes en continuité avec la Limagne dans le Puy-de-Dôme, dont 7 espèces d’orchidées (Ophrys araignée, Ophrys insecte, Ophrys bécasse, Ophrys sillonné, Ophrys verdissant, Orchis militaire et Orchis singe). Les espèces protégées régionalement sont également bien représenté dans les étangs et tourbières avec 12 espèces comme la Canneberge, l’Élatine à six étamines ou la Sagittaire à feuilles en cœur, et dont un tiers n’a pas été revu depuis plus de 50 ans. Les milieux forestiers et leurs lisières accueillent quant à elles 12 espèces protégées dont 9 ont été observées récemment : Céphalanthère à grandes fleurs et Céphalanthère blanche, Épipactis à petites feuilles, Lys martagon ; Frêne à feuilles étroites et Orme lisse dans les ripisylves de la Loire et de l’Allier, et Lycopode à feuilles de genévrier dans les forêts de montagne. Les sources minérales constituent des milieux remarquables très particuliers en Auvergne, qui abritent dans l’Allier 6 espèces protégées localisées comme le Jonc de Gérard, le Plantain maritime, l’Herbe au lait, le Troscart maritime ou le Pissenlit de Bessarabie… ; citons également les rochers (avec la Doradille du Forez), et les bords des cours de la Loire ou de l’Allier qui hébergent deux espèces protégées régionalement, limitées au bassin de la Loire : l’Épervière de la Loire et le Souchet de Michel.
Orchis militaris L. - CBN Massif central
Taxons exotiques
Dans l'Allier, il y a 69 espèces exotiques envahissantes.
Les plantes exotiques envahissantes sont particulièrement bien présentes dans les vallées alluviales et sur tout le réseau hydrographique, où elles colonisent l’eau libre ou les terrasses alluviales, friches comme forêts, au détriment des espèces indigènes dont elles entraînent la régression ou la disparition.
Sur les 69 plantes exotiques envahissantes (espèces ou sous-espèces) connues sur le département de l’Allier, neuf sont inscrites sur la liste des Espèces exotiques préoccupantes pour l’Union européenne, pour lesquelles une action doit être envisagée afin de réduire les effectifs et atténuer les impacts. Quatre d’entre elles colonisent les eaux libres : le Myriophylle du Brésil (Myriophyllum aquaticum), le Grand lagarosiphon (Lagarosiphon major), l’Elodée de Nutall (Elodea nuttallii), et surtout la Jussie (Ludwigia grandiflora) qui peut recouvrir les pièces d’eau avec ses pousses démesurées. La Berce du Caucase, qui peut provoquer allergies et brûlures, et la Balsamine de l’Himalaya (Impatiens glandulifera) sont présentes en bordure de forêts alluviales ou de cours d’eau. L’Ailanthe (Ailanthus altissima) est lui un arbuste très envahissant qui colonise les pelouses et friches de ses nombreux rejets. Enfin la Jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes), qui ne supporte pas le gel, n’a été observée heureusement que de manière fugace dans l’Allier. L’Ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia), qui provoque des allergies sévères, est par contre bien implantée dans le département, sur des sols perturbés et plutôt riches, cultures de tournesol ou de maïs, friches et terrasses alluviales. Elle fait l’objet d’une campagne annuelle d’éradication.
Robinia pseudoacacia L. - S. Perera / Alizari
Actions de conservation
Les végétations aquatiques de la Sologne bourbonnaise, les forêts et pelouses alluviales des bords de l'Allier, de la Loire et du Cher, les végétations tourbeuses des montagnes bourbonnaises, le bocage et les forêts anciennes du bourbonnais, les moissons des limagnes, les landes et pelouses sèches des grandes vallées constituent autant de trames et de milieux caractéristiques du Département qui doivent guider les actions de préservation de la flore. Si la création d'ENS s'est avèrée déterminante quant à la préservation de certains secteurs à forte biodiversité et notamment de la flore des pelouses sèches et des milieux alluviaux, les actions à plus grandes échelles (Trame verte et bleue, réseau N2000, contrat territorial Val d'Allier) peuvent également jouer un rôle crucial. A terme, la flore des prairies maigres de fauche humides à mésophiles, des lande sèches et humides, des pelouses acidiclines à acidiphiles ainsi que des complexes tourbeux (bas-marais, tourbières) mériterait d'être d'avantage prise en compte dans la création de nouveaux espaces protégés. À l'échelle du Massif central, la flore du Val d'Allier et de la Sologne bourbonnaise concentrent une grand part des enjeux majeurs de conservation.
Suivi d'espèces